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en recherchant et en évitant tout à la fois le regard interrogatif de Katia ; — effectivement, je me suis modifié en beaucoup de choses, et vous le savez mieux que personne, vous à qui je dois en réalité ce changement.

— Moi ?… vous… répondit Katia.

— Je ne suis plus le garçon présomptueux que j’étais, à mon arrivée ici, reprit Arcade ; ce n’est pas pour rien que j’ai accompli ma vingt-troisième année. Je pense toujours à être utile et à consacrer toutes mes forces à… au triomphe de la vérité ; mais je ne cherche plus mon idéal là où je le cherchais auparavant ; il me paraît… beaucoup plus rapproché. Jusqu’à présent je ne me comprenais pas, je m’imposais des problèmes au-dessus de mes forces… Mes yeux se sont enfin ouverts, grâce à un sentiment… Je ne m’exprime peut-être pas très-clairement, mais j’espère que vous me comprendrez…

Katia ne répondit point, et elle cessa de regarder Arcade.

— Je pense, reprit-il d’une voix plus émue, tandis qu’un pinson chantait son insouciante chanson au-dessus de sa tête dans le feuillage d’un bouleau ; je pense que le devoir de tout honnête homme est de se montrer franc à l’égard de ceux… de ceux qui… en un mot, avec ceux qui lui sont chers, et c’est pourquoi… je suis décidé…

Mais ici l’éloquence fit défaut à Arcade ; il s’embrouilla dans ses phrases, perdit contenance, et fut