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qu’un qui se figure qu’il est enchanté et qui veut le donner à penser. — Tout le monde se porte bien à la maison, tout va bien, n’est-ce pas ?

— Tout va bien chez vous, mais tout le monde ne s’y porte pas bien, répondit Bazarof. Voyons, tiens-toi tranquille, fais-moi apporter un verre de kvass[1], assieds-toi et écoute ce que je vais te communiquer en peu de mots, mais en termes qui, je l’espère, te paraîtront suffisamment clairs.

Arcade se calma et Bazarof lui raconta son duel avec Paul Petrovitch. Arcade en fut très-surpris et même très-affecté, mais il ne crut point nécessaire de le manifester. Il se contenta de demander si la blessure de son oncle était vraiment légère, et Bazarof lui ayant répondu qu’elle était fort intéressante, mais nullement au point de vue médical, il s’efforça de sourire, et intérieurement il se sentait de la honte et une sorte d’effroi. Bazarof eut l’air de comprendre ce qui se passait en lui.

— Oui, oui, se dit-il, voilà ce que c’est que de vivre sous un toit féodal ; on prend soi-même des habitudes du moyen âge, on se fait spadassin. Je vais maintenant de nouveau voir les anciens, mais, chemin faisant, je me suis arrêté ici… afin de te rapporter toute l’affaire, pourrais-je te dire, si je ne considérais point un mensonge inutile comme une sottise. Non, je suis venu ici, le diable sait pourquoi ! Vois-tu, il est quelquefois bon

  1. Boisson faite avec de l’orge.