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maison ? Cela me paraît également inadmissible. À l’égard de mon frère ?… Non, car vous l’aimez.

— Oh ! oui, je l’aime.

— De tout votre cœur, de toutes vos forces ?

— J’aime Nicolas Petrovitch de tout mon cœur !

— Vraiment ? Regardez-moi un peu, Fenitchka (c’était la première fois qu’il lui donnait ce nom)… Vous savez… que le mensonge est un grand péché.

— Je ne mens pas, Paul Petrovitch. Si je n’aimais pas Nicolas Petrovitch, je ne mériterais pas de vivre.

— Et vous ne le changeriez pour personne ?

— Pour qui pourrais-je donc le changer !

— Pour qui ? Qui sait ! Tenez, par exemple, pour ce monsieur qui vient de nous quitter.

Fenitchka se leva.

— Au nom du ciel ! Paul Petrovitch, pourquoi me tourmentez-vous comme cela ! Que vous ai-je fait ? Comment peut-on dire des choses pareilles ?

— Fenitchka, reprit Paul Petrovitch avec tristesse ; j’ai tout vu…

— Qu’avez-vous vu ?

— Là-bas… dans le bosquet…

Fenitchka rougit subitement jusqu’aux cheveux.

— Est-ce ma faute ? dit-elle avec effort.

Paul se souleva.

— Vous n’êtes pas coupable ? Non ? En aucune manière ?

— Je n’aime et n’aimerai jamais qu’un seul homme au monde ; c’est Nicolas Petrovitch, répondit Fenitchka