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je n’ai plus qu’à vous réitérer mes remercîments et à vous laisser à vos occupations. J’ai l’honneur de vous saluer.

— Au plaisir de vous revoir, monsieur, répondit Bazarof en reconduisant son hôte.

Paul sortit, et Bazarof, qui s’était arrêté devant la porte, s’écria :

— Que le diable m’emporte ! c’est fort beau, mais c’est fort bête. Quelle farce nous avons jouée-là ! Les chiens savants qui dansent sur leurs pattes de derrière ne font pas mieux. Impossible de m’y refuser ; il m’aurait frappé, et alors… Bazarof pâlit à cette pensée ; elle souleva toute sa fierté. — Je n’aurais eu d’autre ressource que de l’étrangler comme un poulet.

Il retourna à son microscope, mais son cœur était ému et la tranquillité indispensable pour les observations qu’il faisait avait disparu.

« Il nous a vus aujourd’hui, se dit-il ; mais est-il possible qu’il ait pris ainsi la chose à cœur pour son frère ? D’ailleurs, un baiser ! la belle affaire ! Il y a quelque chose là-dessous. Serait-il amoureux lui-même ? Cela doit être ; j’en mettrais ma main au feu ! Quel gâchis que tout cela !

« Vilaine affaire ! se dit-il encore après réflexion. Vilaine affaire ! D’abord, il faudra payer de sa personne, et peut-être prendre la fuite. Puis… Arcade… et cette bête du bon Dieu de Nicolas Petrovitch ! Vilaine, vilaine affaire ! »

La journée se passa encore plus paisiblement que