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Bazarof restait étranger à ces « misères, » et d’ailleurs, sa position dans la maison ne lui permettait guère d’agir autrement. Le lendemain de son retour à Marino, il avait repris ses recherches sur les grenouilles, sur les infusoires, sur certaines combinaisons chimiques, et était tout absorbé dans ces travaux. Quant à Arcade, il croyait de son devoir, si ce n’est de venir en aide à son père, du moins de paraître tout disposé à le faire. Il l’écoutait patiemment, et se hasarda un jour à lui donner un conseil, non point avec l’espoir de le voir adopté, mais afin de manifester sa bonne volonté. Les affaires domestiques ne lui inspiraient aucun éloignement ; il se promettait même avec plaisir de se vouer un jour à l’agronomie ; mais pour le moment il avait d’autres idées en tête. À son grand étonnement, Arcade pensait continuellement à Nikolskoïé ; autrefois il aurait haussé les épaules, si quelqu’un lui avait dit qu’il pourrait s’ennuyer sous le même toit que Bazarof, et sous quel toit encore ! sous le toit paternel : mais il s’y ennuyait réellement, et aurait voulu en être loin. Il imagina de faire de longues promenades, mais cela ne lui fut d’aucun secours. Causant un jour avec son père, il apprit que celui-ci avait gardé plusieurs lettres assez intéressantes, adressées jadis à sa femme par la mère de madame Odintsof, et il fit tant d’instances pour les avoir, que Nicolas Petrovitch les retrouva, non sans peine, au milieu de ses vieux papiers, et les lui remit. Entré en possession de ces lettres à demi effacées, il se sentit plus calme, comme s’il eût trouvé enfin le but