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— Il n’y a rien de plus précieux que la liberté ; c’est mon principe… il ne faut pas gêner les gens… il ne faut pas…

Vassili Ivanovitch se tut tout-à-coup et se dirigea vers la porte.

— Nous nous reverrons bientôt, père, je te le promets.

Mais Vassili Ivanovitch ne se retourna pas ; il sortit en faisant un geste de la main. En entrant dans sa chambre à coucher, il trouva sa femme déjà endormie, et se mit à prier à voix basse pour ne point troubler son sommeil ; cependant elle se réveilla.

— C’est toi, Vassili Ivanovitch ? lui demanda-t-elle.

— Oui, ma bonne !

— Tu viens de quitter Enioucha ? Je crains bien qu’il ne se trouve mal couché sur le divan. J’ai pourtant dit à Anfisouchka de lui donner ton matelas de campagne et les nouveaux coussins ; je lui aurais bien cédé aussi notre lit de plumes ; mais je crois me rappeler qu’il n’aime pas à être couché mollement.

— Cela ne fait rien, ma bonne ; ne t’inquiète pas. Il se trouve bien. Seigneur, ayez pitié de nous autres pécheurs ! ajouta-t-il en continuant sa prière. Vassili Ivanovitch n’en dit pas plus long ; il ne voulut point annoncer à sa pauvre femme une nouvelle qui aurait troublé son repos.

Les deux jeunes gens partirent le lendemain. Tout avait pris, dès le matin, dans la maison, un aspect triste ; Anfisouchka laissait tomber les plats qu’elle