— Je ne sais comment tu t’y prendras pour lui annoncer cette nouvelle. Ils semblent croire que nous serons encore ici dans deux semaines.
— C’est assez embarrassant. De plus j’ai eu aujourd’hui la sotte idée de taquiner mon père, à propos d’un paysan qu’il a fait fouetter dernièrement, et avec raison. Oui, oui, avec raison, ne me regarde pas avec ces yeux-là ; il a très-bien fait de le punir parce que c’est un voleur et un ivrogne incorrigible ; seulement mon père ne croyait point que j’en serais si pertinemment instruit, comme l’on dit. Il en a été tout confus ; et, voilà maintenant que je vais être obligé de lui causer du chagrin… Au reste peu importe ! d’ici au mariage ça se guérira[1].
Quoique Bazarof eut prononcé ces dernières paroles d’un air assez résolu, il ne se décida pourtant à annoncer son départ à son père que dans son cabinet, au moment de lui souhaiter le bonsoir. Il lui dit avec un bâillement forcé :
— Tiens… j’allais oublier de te prévenir… Il faudra faire conduire demain nos chevaux chez Fédote pour le relai.
Vassili Ivanovitch demeura stupéfait.
— Est-ce que M. Kirsanof va nous quitter ? demanda-t-il enfin.
— Oui, et je pars avec lui.
Vassili Ivanovitch recula stupéfait.
- ↑ Proverbe russe.