Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/22

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Arcade désigna des yeux Pierre.

Il est libre, en effet[1], reprit Kirsanof ; mais c’est un valet de chambre. J’ai maintenant pour intendant un bourgeois qui me paraît un homme intelligent. Je lui donne deux cent cinquante roubles par an. Au reste, continua Kirsanof en se prenant le front et les sourcils avec la main, geste qu’il avait l’habitude de faire lorsqu’il se sentait embarrassé, je viens de te dire que tu ne trouverais aucun changement à Marino. Ce n’est pas absolument exact, et je crois qu’il est de mon devoir de te prévenir, quoique pourtant…

Il s’arrêta et reprit bientôt en français :

— Un moraliste sévère trouverait sans doute ma sincérité déplacée ; mais, en premier lieu, ce que je vais te confier ne saurait rester secret, et en second lieu tu sais que j’ai toujours eu des principes particuliers relativement aux rapports qui existent entre un père et son fils. Après tout, je dois convenir que tu aurais le droit de me blâmer… À mon âge… en un mot, cette jeune fille… dont tu as probablement entendu parler déjà…

— Fénitchka ? demanda Arcade d’un ton dégagé.

Kirsanof rougit un peu.

— Ne prononce pas son nom si haut, je t’en prie… dit-il à Arcade. Oui… eh bien, elle demeure maintenant dans la maison ; je lui ai donné… deux petites pièces. Au reste, tout cela peut être changé.

  1. En français dans le texte.