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— Nous avons fait connaissance cet hiver.

— Vraiment ? Permettez-moi encore une question… Mais nous pourrions nous asseoir ? Permettez-moi de vous demander, avec la franchise d’un père, ce que vous pensez de mon Eugène ?

— Votre fils est un des hommes les plus remarquables que j’aie rencontrés, répondit vivement Arcade.

Les yeux de Vassili Ivanovitch s’ouvrirent subitement et une rougeur légère colora ses joues. Il laissa tomber la bêche qu’il tenait à la main.

— Ainsi, vous pensez ?… reprit-il.

— Je suis certain, continua Arcade, qu’un grand avenir attend votre fils ; il illustrera votre nom. J’en suis demeuré convaincu à notre première rencontre.

— Comment… comment cela ?… dit avec effort Vassili Ivanovitch. Un sourire extatique s’épanouit sur ses larges lèvres et ne les quitta plus.

— Vous voudriez savoir comment nous avons fait connaissance ?

— Oui… et en général…

Arcade se mit à parler de Bazarof avec encore plus d’animation que le soir où il dansa une mazourka avec madame Odintsof. Vassili Ivanovitch l’écoutait, se mouchait, pelotonnait son mouchoir à deux mains, toussait, relevait ses cheveux ; et enfin, n’y tenant plus, il se pencha vers Arcade et lui baisa l’épaule.

— Vous m’avez rendu le plus heureux des hommes, dit-il, sans cesser de sourire ; il faut vous confier que