Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bientôt tenant une demi-bouteille de vin de champagne qu’il avait débouchée.

— Quoique nous habitions un pays sauvage, dit-il, nous avons de quoi nous égayer dans les grandes occasions.

Il remplit trois grands verres et un petit, déclara qu’il buvait à la santé des « chers visiteurs, » avala son verre d’un trait, à la façon des militaires, et obligea Arina Vlassievna à boire le petit verre jusqu’à la dernière goutte. Lorsqu’on en vint aux confitures, Arcade, qui ne pouvait souffrir les mets sucrés, se crut pourtant obligé de goûter de trois sortes de confitures différentes, nouvellement préparées, d’autant mieux que Bazarof s’y refusa nettement, et se mit à fumer un cigare. Après le dessert vint le thé à la crème, avec des craquelins et du beurre ; puis Vassili Ivanovitch conduisit son monde dans le jardin, pour jouir de la soirée qui était magnifique. En passant devant un banc, il glissa dans l’oreille d’Arcade :

— C’est en ces lieux que j’aime à venir philosopher, tout en contemplant le coucher du soleil ; cela convient au solitaire. Un peu plus loin, j’ai planté des arbres chers à Horace.

— Quels arbres ? demanda brusquement Bazarof.

— Mais… des acacias, je pense…

Bazarof se mit à bâiller.

— Je crois que les voyageurs feraient bien de s’abandonner aux bras de Morphée, dit Vassili Ivanovitch.

— Ce qui veut dire qu’il serait temps de nous cou-