voir qu’un rossignol ne se nourrit pas de chansons[1].
La vieille mère se leva.
— La table va être servie à l’instant, Vassili Ivanovitch ; je vais courir moi-même à la cuisine pour faire mettre le couvert. Tout sera prêt à l’instant, tout. Voilà trois ans que je ne l’ai vu, que je ne lui ai donné ni à boire ni à manger. C’est quelque chose !
— Allons, la ménagère, mets-toi en quatre, tâche de t’en tirer à ton honneur. Et vous, messieurs, veuillez me suivre. Voilà Timofèitch qui vient te saluer, Eugène. Lui aussi il doit être content, le vieux barbet. N’est-ce pas, vieux barbet ? Messieurs ayez la bonté de me suivre.
Et Vassili Ivanovitch ouvrit la marche d’un air affairé, en traînant sur le plancher ses vieilles pantoufles.
Toute sa maison se composait de six petites chambres. Celle où Vassili Ivanovitch conduisit nos jeunes amis se nommait le cabinet. Une table en bois massif, couverte de papiers noirs de poussière jusqu’à en paraître enfumés, occupait l’espace que laissaient entre elles deux fenêtres ; aux murs pendaient des fusils turcs, des nagaïkas[2], un sabre, deux grandes cartes, des dessins anatomiques, le portrait de Hufeland, une couronne faite de cheveux placée dans un cadre noir, et un diplôme également sous verre ; entre deux énormes armoires-bibliothèques en racine de bouleau se trouvait un divan de cuir tout bosselé et déchiré en plusieurs