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— Et Anna Serghéïevna ? reprit Arcade.

— Eh bien, quoi ? Anna Serghéïevna ?

— Je voulais dire : te laissera-t-elle partir ?

— Je ne suis pas à ses gages.

Arcade devint pensif, et Bazarof se tourna la figure contre le mur.

Les deux amis gardèrent le silence pendant plusieurs minutes.

— Eugène ! s’écria tout à coup Arcade.

— Quoi ?

— Je partirai demain avec toi.

Bazarof ne lui répondit point.

— Mais je retournerai à la maison, continua Arcade ; nous irons ensemble jusqu’au hameau de Khoklov, où tu pourras t’arranger avec Fedote pour continuer ta route. J’aurais aimé à faire connaissance avec tes parents, mais je craindrais de les gêner, et de te gêner toi-même. Ensuite, j’espère bien que tu repasseras à la maison un moment ?

— J’ai laissé mon bagage chez toi, répondit Bazarof sans se retourner.

« Comment ne me demande-t-il pas pourquoi je pars ? Et cela encore si inopinément, comme moi ? se dit Arcade. Au fait, pourquoi est-ce que nous partons, lui et moi ? »

Ces questions demeurèrent irrésolues dans l’esprit d’Arcade, et son cœur se remplit d’une secrète amertume. Il sentait qu’il lui serait difficile de quitter le genre de vie auquel il s’était habitué ; mais rester