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Katia le regarda en dessous.

— Vous m’étonnez, messieurs, reprit madame Odintsof ; mais nous reviendrons sur tout cela. J’entends ma tante qui vient pour le thé ; il faut ménager les vieilles gens.

La tante d’Anna Sergeïevna, la princesse N…, petite vieille, décharnée, au visage gros comme le poing, aux yeux durs et immobiles surmontés d’un tour gris, entra dans la chambre, salua à peine les deux jeunes gens, et s’affaissa sur un large fauteuil de velours, qui lui était exclusivement réservé. Katia lui mit un tabouret sous les pieds ; la vieille ne la remercia point, même du regard ; elle remua un peu les mains sous le châle jaune, qui cachait presque entièrement son maigre corps. La princesse aimait le jaune ; elle avait aussi des rubans d’un jaune vif à son bonnet.

— Comment avez-vous passé la nuit, ma tante ? lui demanda madame Odintsof en forçant la voix.

— Ce chien est encore ici, répondit la vieille en grommelant, et ayant remarqué que Fifi venait de faire deux pas indécis de son côté, elle s’écria : Va-t-en ! va-t-en !

Katia appela Fifi et lui ouvrit la porte.

Le chien courut joyeusement à sa voix, croyant qu’il s’agissait d’une promenade ; mais, se voyant seul de l’autre côté de la porte, il se mit à gratter en jappant. La princesse fronça les sourcils ; Katia se disposait à sortir…

— Le thé doit être prêt ? dit madame Odintsof ; al-