invite sans autre préliminaire deux aristocrates de notre force à lui rendre visite.
— Un aristocrate comme moi surtout ; un futur médecin, fils de médecin, et petit-fils de sacristain ! car, je ne sais si je te l’ai jamais dit, je suis petit-fils de sacristain… comme Spéranski[1] ; ajouta Bazarof entre ses dents, après un moment de silence. — Toujours est-il que la chère dame est un enfant gâté de la fortune ; oui, et joliment gâté : serions-nous obligés de mettre nos fracs ?
Arcade se contenta de hausser les épaules… mais, au fond, il se sentait aussi un peu intimidé.
Une demi heure après, Bazarof et lui descendirent dans le salon. C’était une chambre spacieuse et haute, assez richement décorée, mais sans beaucoup de goût. Les meubles massifs et d’un grand prix, rangés dans la régularité accoutumée le long des murs, étaient tapissés d’une étoffe brune brochée d’or. M. Odintsof les avait fait venir de Moscou par l’intermédiaire d’un de ses amis, un français, commerçant en vins. Au-dessus du divan du milieu pendait le portrait d’un homme blond aux traits bouffis, qui semblait regarder les visiteurs d’un assez mauvais œil. « Cela doit être le défunt, » chuchota Bazarof à l’oreille de son ami, et fronçant les narines, il ajouta : « si nous détalions ? » Mais dans cet instant la maîtresse de la maison entra. Elle portait une robe légère de barège ; ses cheveux
- ↑ Homme d’État célèbre du règne d’Alexandre Ier.