Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Nos duchesses ne parlent pas le russe comme elle, dit Arcade.

— Elle s’est trouvée dans la débine, mon cher ; elle a mangé le même pain que nous.

— Mais elle n’en est pas moins ravissante, ajouta Arcade.

— Un corps magnifique ! reprit Bazarof : comme cela serait beau sur une table de dissection.

— Tais-toi, au nom du ciel, Eugène ! Tu es abominable.

— Allons, ne te fâche pas, femmelette ! Elle est de première qualité ; c’est entendu. Il faut que nous allions la voir.

— Quand cela ?

— Après-demain, si tu veux. Qu’avons-nous à faire ici ? Boire du champagne avec la Koukchine ? Admirer l’éloquence de ton parent le dignitaire libéral ?… Mettons-nous en route après-demain. D’autant plus que le hameau de mon père est tout près de là. Nikolskoïe n’est-il pas sur la route de D… ?

— Oui.

Optime ! Il ne faut pas perdre notre temps. Il n’y a que les imbéciles qui perdent leur temps… et les gens à embarras. C’est un corps magnifique ! je n’en démordrai pas.

Trois jours après, les deux amis roulaient sur la grande route de Nikolskoïe. La journée était belle, la chaleur modérée, les chevaux bien repus du voiturier qui les conduisait, agitaient légèrement leurs petites