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D’UN SEIGNEUR RUSSE. 7l

ccvites d’avarit "Pierre le Grand ; le fèrèze’aurait convenu à une pareille tête ; t :’était un des rares survivants des siècles écoulés. Tous ses voisins le révéraient et se faisaient grand honneur d’être de sa connaissance Quant aux odmrvortsi, ses pareils selon la loi, ils ôtaient de trèsïloin leur bonnet à sa vuej ils étaient singulièrement fiers de lui, ils auraient volontiers juré par lui. · »·

En général il est, jusqu’à ce jour, assez difficile de distinguer un odnovoretz d’un paysan ; son ménage est parfois pire que celui du moujik ; ses veaux ne sortent pas du brouet, ses chevaux sont poussifs, son harnais est fait de cordes à puits. Ovcianikof se’distinguait parmi les hommes de cette classe, sans pour cela passer pour riche. Il vivait seul, avec sa femme, v dans une maisonnette bien distribuée et proprement tenue ; il avait peu de gens de service, et les appelait non pas valets ou serviteurs, mais ouvriers. C’étaient eux qui labouraient son champi Il ne se donnait point pour noble, ne tranchait point du petit seigneur ; jamais ilne s’oublta1’t, jamais il ne s’asseyait sur, une première invitation, etvjamais, à l’apparition chez lui d’un visiteur quelconque, il ne manquait de se lever ; mais il le faisait avec tant de dignité, avec un si grand air de savoir-vivre, qu’involontairement on s’inclinait plus que lui pour lui rendre sa politesse. Ovcianikof s’en tenait aux anciens usages, non pas par une sorte de superstition, car il ce qu’ayant abattu ses ennemis au dedans et au dehors, il fût enfin arrivé à cette hauteur de puissance où toute résistance à l’autorité devient impossible. C’est en 1124, moins d’1m au avant sa mort, qu’il prit le parti décisif de soumettre les odnovortsi au cens, au recrutement et à la captation, sans les priver du droit de faire la preuve de, leur noblesse ou de la reconquérir par la voie du service militaire. La loi-de 1724 est donc le fondement de la législation concernant •cette sorte de caste, qui est remarquable encore par son nombre et par les traits de son caractère, surtout dans les gouvernements de l’ouest. Les actes auxquels elle a donné lieu ont été successivement renouvelés, et de 1800 à 1842 on ne compte pas moins de seize décrets promulgués à ce sujet. La dernière loi de 1842 rend aux odnovortsi le droit d’achetir et de vendre entre eux leurs serfs, mais non pas d’acheter des serfs appartenant aux gentilshommes (dvorianes).

’ (Note du traducteur.)

I. Bonnet fourré des anciens boyards.