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56 IÉMOIBES 4

Est-ce que ·tu ne me comprends pas ? » Et tout ài coup- elle me sauta au cou et me donna des baisers.... Je pensai pousser de grands cris ; je me laissai glisser sur les genoux ;. mais ma tète resta engagée entre ses mains sur l’oreiller., Elle garde le.silence, ses doigts frémissent sur ma cheve- lure ; j’écoute, elle pleure. Je lui adresse quelques paroles.... · Vraiment je serais en peine s’il fallait me rappeler ce que j’ai pu«trouver à lui dire ; mais à travers les mots : « Je vous remercie.... croyez.... tranquillisez-vous, ¤ je me souviens que j’insistais pour que la servante fût réveillée. Eh ! que me fait tout ce qui n’est pas toi ? qu’on s’éveille, qu’on vienne, qu’on entende et qu’on voie, qu’importe ? moi. · je vais mourir, Tu crains, tu as peur, et pourquoi ? lèqe la tête, sois ferme.... ou bien, c’est que peut-être vous ne m’aimez pas ; je me serai donc trompée.... Ah ! grand Dieu, se-3 rait-il vrai ? en ce cas, excusez-moi. Mourir, vite mourir !.... 4 -· Alexandra Andréevna, que dites-vous ? Moi, ne pas vous aimerl mais je vous aime, ma chère Alexandra. », J’eus à peine dit ces mots, que je croyais inspirés par une haute prudence, qu’elle poussa un gros soupir en me regar- ’ dant avec attendrissement, et, en ouvrant ses bras, elle y s’écria : « Eh bien, vite, embrasse-moi ! ·· Je sentis que ma pauvre patiente se perdait et qu’elle avait le délire ; je compris que, si cette chère demoiselle n’eùt pas été à l’article de ’la mort, —elle n’aurait pas pensé à.... À moi ; et c’est que, . prenez-le comme vous voudrez, mais dans ce sexe-là cela paraît dur de mourir à vingt-quatre ou vingt-cinq ans sans avoir-aimé.·Voilà en réalité ce qui lui tenait au cœur, voilà pourquoi Alexandra, dans son désespoir final, s’en prenait même- ài moi ;... Comprenez-vous.-maintenant ?... Elle ; ne souffrait pas que je me dégageasse de ses bras. « Ayez pitié’de moi, ayez pitié de vous-même, lui disais-je sans cesse. - A quoi bon ces’précautions et cette grande pitié, puisque je dois, je vais mourir ? Ah ! si je savais queje dusse rester parmi les vivants et paraître peut-être un jour dans le cercle des demoiselles bien nées, j’aurais à rougir, beaucoup à rougir de ce que je fais, mais à présent", . — Mais qui vous assureg, qui vous a dit que vous deviez mourir ? —· Eh ! tu