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surtout, attendez.... l’acossaire matradoura.... Hé, hé, hé ! te voilà pris, toi, frère ! (Ettil retirait de l’eau une petite j perche.) Tiens, prends, Stéopa. V

C’était un bàrine, un vrai bârine, un velmoje ! reprit le vieillard en jetant de nouveau sa ligne ; et de plus, une bonne âme. Il nous rossait ; ah oui ! il tournait la tète, il avait oublié. Une seule chose, c’est qu’il tenait des matrésses, et voilà, ce sont ces matrêsses qui l’ont ruiné ; il les prenait toutes dans la basse classe. Eh bien ! qu’est-ce qu’il leur fallait donc tant ? Ce qu’il leur fallait, en bien, oui, tout ce qui coûtait le plus cher dans toute l’Europe. Dame, on peut suivre son plaisir, et c’est bien ; cela va aux velmojes, seulement il ne faut pas s’y ruiner. Tenez, il y en avait une, elle s’appelait’Akouline ; à présent elle est morte, Dieului fasse

grâce. C’était une fille à la douzaine, une fille d’un déciatski ’ de Sitof, mais une méchante créature, allez. Elle donnait des soufflets à Son Excellence, figurez-vous, cette horreur ! Elle l’avait tout à fait ensorcelé, oui. J’avais un neveu à qui elle a rasé le front ’.... Et toujours je dirai que c’était là le bon temps, oui, le bon temps ! ·· ajouta le vieillard en poussant un profond soupir.

Il’y eut un silence de trois minutes. Je repris : Ton bârine, pourtant, on’voit ça, était un homme sévère. ’

- C’était le goût et la manière de ce temps-là, répondit Touman en branlant verticalement la tète. —·Aujourd’hui ce sont des choses qui ne se font plus, ··, ajoutai-je en l’observant avec attention. Il me jeta un coup d’œil oblique et dit : •· Oui, aujourd’hui, à la bonne heure, c’est.... mieux. »·

Et il lança sa ligne plus loin. ·.

Nous étions assis à l’ombre et nous n’en suffoquions pas moins de chaleur : c’était à n’y pas tenir, c’était le règne de la canicule ; le visage enflammé invoquait les vents, mais il ’ n’y avait pas un souffle à espérer ; le soleil dardait impi-1. Garde de ville fourni par chaque dizaine de maisons. A 2. C’est-à-dire qu’on l’avait fait soldat en punition de quelque faute.