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’ D’UN SEIGNEUR RUSSE. 27

ient jour par les fentes de la digue. Nous times un feu de vouac entre des cailloux. Tandis qu’Ermolaï mettait dans cendre une dizaine de pommes de terre, je parvins à som-, eiller.... ’Un léger bruit interrompu me réveilla.... je relevai 1 peu la tête : devant le feu, sur un évier renversé était assise meunière, causant avec mon compagnon. Déjà, à sa tourtre, à son langage, j’avais reconnu une ci-devant fille de tambre ; ce ne pouvait être ni une franche paysanne ni se bourgeoise ; mais alors j’examinai plus à loisir ses traits :. le paraissait avoir trente ans. Son visage pâle et maigre on servait encore les traces d’une beauté remarquable ; j’aiais surtout ses grands yeux au regard mélancolique. Erolaï, assis et occupé à jeter des broutilles dans le foyer, e tournait le dos. La meunière lui disait : —, ~ Chez la Jeltoukhina, de nouveau grande mortalité tr le bétail ; le père’Ivan aussi vient de perdre deux va- · res.... Dieu ait pitié de nous !

— Eh bien, et vos pourceaux ? ·

— Ils sont vivants.

— Vous ne me donnerez pas un cochon de lait ? » La meunière ne répondit pas. Une minute après elle dit : Avec qui es-tu la’ !.

~— Avec un gentilhomme, un monsieur Kostomarovski. » Ermolaï jeta au feu quelques branches mortes de sapin ; broutille pétilla aussitôt ; une épaisse fumée blanche lui uonta droit au visage.

Pourquoi, dit-il à la meunière, ton mari avait-il d’atrd refusé de nous laisser entrer chez lui ? — Il a peur. ’

— Peur ? le ventru ! Il apeur ? allons donc ! Ma chère Arina imoféevna, va, je te prie, me chercher une petite goutte eau-de-vie. »

La meunière se leva et disparut dans l’obscurité. Ermolaï iantonna :

A force d’aller voir ma belle,

Tusai la botte et la semelle....

Arina reparut, tenant à la main un carafon et un verre ;