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ler, il ruait ; on le frappa du fouet, il marchait en au rière, faisait des rages et se couchait par terre. Je mo rendis alors chez M. Tchernobaî, je demandai s’il’était à la, maison ; sur la réponse affirmative, j’entrai ; il était près de son écurie. Je lui dis : « Expliquez-moi, de grâce, comment vous avez pu me vendre hier un cheval vicieux et malade". ?

— Malade ! ah ! Dieu préserve ! Et qu’aurait-il donc ! — Il a le feu dans.le sang, de plus il boite, il a un ulcère au garrot, il est réti£...

— Ton cheval boite ? qu’est-ce que ça veut dire ! Allons, allons, ton cocher lui aura jeté un sort.... Quant à moi, d’abord, je prends Dieu à témoin que.... y ’ — Anastaci Ivanytch, il est juste que vous repreniez. cq cheval, . y

—Pour ça, oh, non ! cher monsieur, non ! ne vous, fâchez pas ; c’est la règle ici ; dès qu’un cheval vendu et, ensaisiné sous le par du cafetan est hors de la cour, lq chose est consommée. Vous deviez bien examiner avant de conclure. »,

Je vis de quoi il retournait, et comme je suis de ma nature, porté à la résignation, je rougis et quittai le vénérable vieil-l lard à tête blanche. Heureusement je n’avais pas payé biem ’cher une si bonne leçon. y

Le sur lendemain je partis ; trois semaines après je, revisl la ville de Lébédiane, qui se trouvait sur ma route. Je m’y ; arrêtai pour quelques heures ; après mon dîner, j’allai au ; café, où je reconnus presque toutes les mêmes personnes, et, ce qui me frappa le plus, j’y trouvai le prince N. N. N., déployant au billard toutes ses grâces naturelles et ac-i quises ; mais la destinée de M. Khlopakof avait déjà subi lai péripétie ordinaire : il était remplacé dans les bonnes grâcesi du prince par un autre favori, le petit officier blond. Lei pauvre ex-sous-lieutenant essaya une dernière fois, j’étaisl présent, de mettre en circulation son petit mot rontlant, pensant que peut-être il réveillerait un souvenir favorable mais le prince, bien loin de sourire, fronça les sourcils et, haussa les épaules. M. Khlopakof baissa la tête, se tabou- ;