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D’UN SEIGNEUR RUSSE. 227

par ceux d’un maquignon fameux du nom de Sitnikof. J’entrai par un guichet dans une cour qui avait été couverte de quelques tombereaux de sable. Devant la porte ouverte de l’écurie se trouvait Sitnikof lui-même ; c’est un homme d’un certain âge, gros et grand, en petit touloup de fièvre, le collet dressé contre la nuque par derrière et rabattu en dehors sur les côtés. A ma vue, il se mit tout de suite en mouvement vers moi, souleva de ses deux mains son bonnet au-dessus de sa tête, et me dit avec une sorte de cantilène :

- •¤ Nos respects, bârine, nos respects ; vous êtes sans doute venu voir mes petites bêtes ?

’ — oui, je suis venu voir vos chevaux. — Oserai-je vous demander quelle sorte de chevaux il vous faut ’ !,

~— Montrez-moi les chevaux que vous avez. — Avec plaisir. »

Nous entrâmes dans l’écurie. Trois ou quatre chiens blancs sortirent du foin et vinrent à nous, en remuant la queue ;· un vieux bouc barbu s’éloigna mécontent ; trois hommes d’écurie, en épais touloups bien noirs de crasse, nous saluèrent en silence. A’droite et à gauche, dans des stalles habilement exhaussées, se trouvaient environ trente chevaux peignés, lavés, nattés, étrillés à merveille. Sur les cloisons et sur les râteliers voletaient et roucoulaient des pigeons.

Il vous faut un cheval de trait ou bien de haras ? - Un cheval, de trait, jeune et entier. — Bien, bien, bien, dit le maquignon en égrenant ses mots. Hé, Péetia, amène ici à monsieur notre Gornostaï. »· Nous retournâmes dans la cour.

Mais n’ordonnez-vous pas qu’on vous apporte ici un banc 7... non ?... comme il vous plaira. » On entendit des pas de cheval sur les ais de l’écurie, un fouet claqua, et Péetia, garçon de quarante ans, grélé et très-hâlé, s’élança, tenant par la bride un étalon gris d’assez belle apparence, le fit lever sur ses pieds de derrière, tit avec lui deux fois, en courant, le tour de la cour, et le tit