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D’UN SEIGNEUR RUSSE. 225

—Voilà le mot, voilà le pauvre mot qui en a pour deux ans au moins à être remâché ! pensai-je en moi-même. — Eh ! qu’est-ce que vous allez jouer là, prince ? ce n’est pas le jeu ! balbutia tout à coup un petit officier blond aux petits yeux rouges, au tout petit nez, au petit visage d’enfant mal éveillé. Vous ne jouez pas le jeu ; pourquoi pas sur la blanche, et la jaune après ?

— Comment, la blanche ? dit le prince en regardant de dessus son épaule le fin conseilleur. — Eh oui, au triplé.

— Ah ! c’est vrai, je n’y aurais pas pensé, marmotta le prince entre ses dents.... Et il joua sur la rouge. — Ca, prince, ce soir, vous irez aux bohémiens ? se hâta. de dire, pour couvrir sa retraite, le jeune homme un peu confus. Stechka chantera.... Iliouchka.... » Le prince ne lui répondit pas.

Rrracaliooo, frère ! » dit avec précaution Khlopakof à l’adresse du jeune officier, en fermant l’œil gauche. Et le prince rit aux éclats.

Trente-neuf à rien ! ditle marqueur. —· A rien ! à rien ! imbécile ! regarde un peu comme je vais faire cette jaune.... (Khlopakof lima, relima, visa et.... manqua de touche.) Eh rrrakaliooo... lione ! s’écria-t-il avec dépit.

— Comment ? comment as-tu dit ? cette fois ? ·· dit le prince de nouveau en proie au fou rire.

Mais Khlopakof ne répéta point son mot. Il faut en tout un peu de coquetterie.

~ Vous avez manqué de touche ; cela fait quarante à rien, dit le marqueur impassible.

— Oui, messieurs, dit le prince en s’adressant à toute l’assemblée, sans regarder, au reste, personne en particulier ; vous savez qu’aujou rd’hui on est convenu de rappeler sur la scène la Verjembitski..

-· Comment donc, comment donc ! absolument, s’écrièrent à l’envi les unes des autres plusieurs personnes, extrême-I. Location familière aux Russes en manière d’aftirrnation. 126 0