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D’UN SEIGNEUR RUSSE. 193

— Bien, dit le caissier, et il se mit à la fenêtre. ’ — Nioolaî Eréméitch est-il au comptoir ? ·· cria une voix forte dans le petit carré d’entrée ; et un homme de grande t taille, évidemment furieux, un homme dont le visage était irrégulier, mais la physionomie expressive et hardie, un homme assez proprement vêtu, ouvrit la porte, franchit le

  • seuil d’un pas animé, et en parcourant la chambre dit : ·· Il

n’est pas ici ? quoi ?

— Nicolaî Eréméitch est chez la bârynia, répondit le caissier. Qu’est-ce qu’il vous faut ? dites-le-moi, Pavel Andréitch ; vous pouvez me le dire à moi. Voyons, que voulez vous ’ !

— Ge que je veux ? Vous voulez savoir ce que je veux ? (le caissier baissa tristement la tête). Je veux lui donner une leçon, à ce misérable ventru, à ce vil d’ébaucheur. »· Et il se laissa choir sur une chaise. Qu’avez —vous donc comme ça, Pavel Andréitch ? calmez-vous.... N’avez-vous pas conscience ? Ah ! pensez douc de qui vous parlez, Pavel Andréitch, bégayait le R caissier.

— De qui je parle ? Et que me fait à moi qu’il soitchef de comptoir. Ils ontbien trouvé leur homme, ma foi ; c’est vraiment bien le cas de dire qu’ils ont lâché le bouc dans le jardin potager.

—Finissez, finissez, Pavel Andréitch, laissez cela ; ce sont des folies que vous dites.

—Bon.le renard est allé faire ses tours auprès de la dame. Moi, j’attends ici Nicolaî, dit Pavel en frappant du poing sur la table.... Et tenez, justement le voici qui nous arrive à point. C’est moi qui le recevrai dans son comptoir, cette fois. »

Comme Pavel se levait, Nicolaî Eréméitch entra. Son visage était tout radieux de contentement ; mais à la vue de Pavel, il ne laissa pas de se troubler un peu. Bonjour, Nicolaï Eréméitch, dit Pavel d’un ton significatif en s’avançant lentement à sa rencontre. Bonjour donc. » ’

Le chef du comptoir ne répondit point. A la porte parut la 126 M