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l D’UN SEIGNEUR RUSSE. 175 question un peu plus haut, voyant bien qu’il ne m’avait pas entendu.. r ·¤ Un village’ !... mais qu’est-ce que tu veux ? L — Je veux me mettre à l’abri de la pluie. f — De quoi, hein ? ’ R — De la pluie.... Tu vois comme il pleut. v — Oui, il plent dru !... Il gratta énergiquement sa nuque plus que hâlée.... Eh bien, bon, ça va, marmotta-t-il avec un grand désordre, et en faisant la girouette avec ses bras, voilà zquand tu auras dépassé le bois.... quand tu l’auras dépassé, la il y aura une route.... une route ; tu la laisses, tu laisses la route, et à droite, va, va, va toujours, va.... tu arriveras à Ananiévo ; si tu manques Ananiévo, tu tomberas dans Sitovka. » Je compris avec peine le’vieillard ; ses moustaches lui entraient dans la bouche, et sa langue d’ailleurs fonctionnait au plus mal. D’où es-tu, toi ? lui demandai-je. · - Quoi ? R — D’où es-tu ? R — D’Ananief. — Qu’y fais-tu ’ ! — Quoi ? — Que fais-tu ? De quoi es-tu occupé à Ananief ? — On m’envoie surveiller. — Et qu’est-ce que tu surveilles donc ?. — Eh ! les pois. — Ah ! tu gardes les pois ? dis-je en réprimant une velléité de rire. Mais, je te prie, quel âge as-tu ? — Quoi ? — Combien as-tu d’années ? — Dieu le sait. — Tu ne dois pas avoir la vue très-claire ’ ? — Hein ’ ! — Tu vois mal, n’est-ce pas ? -oui, je vois mal ; et il arrive que je n’entends rien du tout.. — Eh bien ! alors, quel gardien peux-tu donc être’ !