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D’UN SEIGNEUR RUSSE. 474

la débauche, aux mauvais propos, et puis, un jour, il se tte aux pieds de son seigneur.

— Mon bon seigneur, dit le vieillard avec l’accent d’un freux désespoir, au nom de Dieu, viens-nous en aide. Et me dit grossier encore ! Ah je vous le dis devant’Dieu ; n’ai plus moyen de vivre.... Sophron Jakovlitch m’a pris n haine ; pourquoi ? Dieu seul le sait, mais il m’a ruiné, =cablé, perdu.... Voila mon dernier enfant.... en bien.... xrles joues jaunes et ridées du vieillard roula une larme.... 1 nom de Dieu, mon bon seigneur, viens à notre aide.... —Et ce n’est pas nous seuls qu’il persécute, ·• dit le une paysan.

Arcadi Pavlytch prit feu à ce mot du pauvre garçon qui était tenu jusque-là si morne.

Et toi, qui t’a interrogé ? dis. Si on ne te questionne ls, comment oses-tu parler ? Qu’est-ce que c’est donc ? 1is-toi !... tais-toi.... Ah mon Dieu, mais c’est une révolte la ! Ah !.avec moi il ne fait pas bon se révolter ; je.... » Arcadi Pavlytch allait faire quelque mouvement trop vif et mt il se serait repenti après, mais probablement il se resuvint de ma présence, car il se contint et fourra ses ains dans ses poches ; puis il me dit en français : Je vous mande pardon, mon cher, avec un sourire forcé en baisnt le ton : c’est l’onve1·s du tissu, le mauvais côté de médaille. Et il reprit en russe, s’adressant aux paysans, ais sans les regarder : » C’est bon, c’est bon ; je prendrai es mesures... c’est bon, allez.... Ces paysans ne bouaient pas). Eh bien, mais je vous ai dit que c’est bien.... lrtez donc.... Je donnerai des ordres, on vous dit ; allez. » Arcadi leur tourna le dos et murmura : toujours des desrréments ! puis il regagna à grands pas la· maison de son iurmistre ; celui-ci le suivait. Comme je n’étais pas disposé marcher au pas redoublé, je regardai ce qui restait du oupe. L’ex-soldat, édile à monstrueuses moustaches, reuait le menton et avait les yeux hors de la tète, comme il rive à certains hommes d’action au moment d’une expédi-Jn lointaine et pressée. L’ancien, le sénieur, n’ayant rien emieux à faire en ces conjonctures, se mit à etïrayer les