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D’UN SEIGNEUR RUSSE. 167

Un garde de nuit frappait sur une planche suspendue à deux bretelles de corde ’ ; un jeune enfant, ignorant encore le saint devoir de la résignation, piaillait dans quelque recoin de la chaumière.... Nous nous endormîmes.-Le lendemain, nous nous levâmes d’assez bonne heure. Je IIl, éÈ8.lS·bl€l’I proposé d’aller à Reabovo ; mais Arcadi Pavlytch témoignait un grand désir de me montrer sa propriété, et il me décida à rester. J’avouerai que j’étais curieux de voir de mes yeux les preuves de toutes les grandes qualités de l’homme d’État qui avait nom Sophron le bourmistre. Celui- · ci parut. Il était encore en armiak bleu et en ceinture rouge. Il parlait moins que la veille, il regardait son maître avec une attention pénétrante, il répondait habilement et en bons termes. ’Nous nous rendîmes ensemble à la grange. Le fils de Sophron, , l’ancien, le géant en qui tout révélait un nigaud fieffé, était aussi de la partie, et la marche était fermée par l’édil1té, personnifiée dans le vieux F édocéitch, ancien soldat qui, a des moustaches d’un développement prodigieux joiguait une expression de visage des plus étranges. On eût â1qu’ayant rencontré un jour un sujet d’effarement extraordinaire, cet homme n’avait jamais pu en revenir tout à fait. Nous inspectâmes les granges, la bergerie, les hangars et les magasins, le moulin à vent, les étables, les jardins potagers, les chènevières ; tout cela était réellement très-bien tenu. Les figures hâves des paysans étaient en vérité la seule chose qui m’eût choqué jusque-là. Sophron savait même joindre l’agréable à l’utile. Tous les fossés étaient bordés de jeunes aubiers ; sur l’aire, entre les monceaux réguliers de gerbes étaient tracés de petits sentiers sablés ; au-dessus du moulin à vent pivotait une girouette représentant un ours qui de son affreuse gueule laissait pendre une longue langue écarlate ; au ënilieu de la fzîadeiexjérieure dj-rs étables, Sophron avait ait ex cuter une es ce e ronton p us ou moins grec, sous lequel était une inscription en grosses lettres blanches, d’une orthographe ébourilïante, mais rappelant au fond que ce clos des étables et écuries avait été construit en 1840. I. Signal enusage dans les campagnes et qui remplace le crides watchmen.