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D’UN SEIGNEUR RUSSE. IM

qn’à peine les mots, en sorte que de toute sa chanson, tout ce que je pus bien saisir se borna ces mots : De mon vrai nom je suis Cassien,

Mais on m’a surnommé la Puce....

Eh bien, mais, qu’est-ce donc ? il compose, » me disais-je. Ayant rencontré mon regard, il frissonna et se tutpuis il regarda avec une grande attention dans le bois. Je me retournai et je vis une petite villageoise d’environ huit sus, en petit sarafane bleu, avec un mouchoir à carreaux sur la tête et un panier d’osier tressé à la main. Ily à toute apparence qu’elle ne s’attendait pas à notre rencontre ; elle se tenait immobile dans un vert massif de coudriers, sur la ’ pelouse, dans l, olIllJl’€ ; elle me regardait timidement de ses deux petits yeux noirs. Je l’eus à peine aperçue qu’elle s’effaça entièrement derrière un arbre. « Anna, Anna, viens ici ; ne crains rien ! lui cria Kaciane d’un son de voix caressant. — J’ai peur, répondit la voix de l’enfant. — N’aie pas peur, je te dis ; viens. »

Anna, sans répliquer, quitta sa citadelle et fit un détour pour arriver vers le nain ; ses petits pieds laissaient à peine dans les hautes herbes la trace de son passage, et c’est en sortant de la coudraie qu’elle se trouva près du vieillard., C’était une enfant non pas de huit ans, comme je l’avais cru. d’abord, mais bien de treize ou de quatorze. Elle était petite et maigre, et son joli petit visage ressemblait d’une manière frappante à celui de Kaciane, bien que celui-ci ne fût pas, tant s’en faut, un joli garçon. C’étaientles mêmes traits anguleux, le même regard étrange, malin et confiant, distrait et pénétrant ; c’étaient les mêmes mouvements.... Kaciane la regardait des pieds à la tête ; elle se tenait debout à sa droite. Tu as ramassé des champignons ? lui dit-il. — Oui, répondit-elle avec un sourire timide. t — Tu en as trouvé beaucoup ?

— Beaucoup, dit-elle en regardant son interlocuteur et en souriant encore. ’

— En as-tu trouvé de blancs ’ ! ·

—· Oui, il y en a de blancs.