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— D’UN SEIGNEUR RUSSE. 129

Ah ! chers camarades, c’est une vilaine chose.... — Qu’est-ce que c’est ? qu’est-ce que tu as ! dit impétueu· · sement Kostia.

—J’ai entendu dans la rivière la voix si douce de Vacia !...-Tout le petit cercle frisonna, terriiié. Que dis-tu’ ! hein ! quoi ? bégaya Kostia. — Dieu m’est témoin que, dès que je me suis penché au-dessus de l’eau, j’ai entendu, justement au fond de la rivière, la voix de Vacia qui me criait : « Pavloucha, Pavloucha, - viens ici, viens ! » Je me suis vite rejeté en arrière ; et cependant, vous voyez, j’ai retiré ma chaudière pleine de belle eau bien fraîche. ’

— Oh ! Seigneur Dieu, Seigneur Dieu ! ayez pitié de nous !. dirent les quatre enfants en se signant (et Paul, après eux, se signa plus solennellement encore). — C’était le Vodianoï qui t’appelait, vois-tu, Paul ;’c’était le Vodianoî, dit Fédia ; etlfigure-toi que, tout à l’heure précisément, nous parlions du pauvre Vacia.

- C’est.... un.... mauvais signe.... un.... mauvais signe, cela, dit Ileouchka d’une voix entrecoupée par l’émotion. — Bon, ce qui doit être sera ; à la garde de Dieu ! dit Paul avec résolution et en s’asseyant près du feu. On ne fuit pas son sort. ¤ ·

Les enfants restèrent comme atterrés ; les paroles de Paul avaient produit sur eux une impression profonde. Ils se mirent à s’arranger autour du bivouac, comme s’ils se disposaient enfin à dormir..

Qu’est-ce que c’est ? » dit Kostia en levant les yeux. Paul prêta l’oreille : ·· Ce sont les bécasses, dit-il : ce sifflement.... oui, c’est une volée de bécassines. - Et où vont-elles comme ça ?

— Elles vont gagner le pays où il n’y a pas d’hiver. — Comment, est-ce qu’il y a donc une terre si malheureuse 2

— Eli oui, un pays chaud.

- C’est loin Y

— Loin, loin ; c’est au delà des mers tièdes. ·• Kostia soupira, et un instant après ses yeux se fermèrent. izo · î

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