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D’UN SEIGNEUR RUSSE. H7

puis comme si, dans la forêt, une autre personne eût répondu par un aigre petit éclat de rire ; et un sifflement faible et strident à la fois semblait fuir à la surface de la rivière., · »

Les enfants s’entre-regardèrent.... Ils avaient le frisson. A nous la protection de la Croix ! murmura Ilia. — Ah çà ! vous autres, cria Paul, n’allez-vous pas avoir peur *2 Tenez, vous voyez bien que les pommes de terre sont cuites à point. »

’ Quatre petites têtes se penchèrent au-dessus du chaudron, et ils se mirent, à l’envi les uns des autres, à manger les tubercules fumants ; le seul Ivan ne bougea pas. ’ Eh bien ! et toi ? » lui cria Paul. p

Mais il ne voulut pas même retirer les bras d’entre les plis de sa natte.

La chaudière ne tarda pas à être vide. · ’ Avez-vous su, vous autres, dit Ileoucha (Élie), ce qui est arrivé de nos côtés aux Bamabitzisit

— A la digue ? dit Fédia.

- Oui, oui, oui, à la vieille digue abandonnée.... Voilà un abominable endroit ! tout environné de cavées, de ravins, de rocailles... et des serpents à foison. — Eh bien ! qu’est-ce qui est arrivé là ? voyons. - Voici quoi. Peut-être bien, Fédia, tu ignores qu’un homme y a été enterré ; un homme qui s’était noyé, il y a bien longtemps de ça, quand l’étang était profond ; le corps a été enterré sur le bord ; cen’est pas très-visible, mais pourtant il y à une petite élévation de terre. A présent, écoutez : L’intendant fit venir, il y a quelques jours, le veneur Ermill, et lui ordonna d’aller à la poste ; c’est toujours Ermill qu’on envoie à laposte ; il n’a pas un seul chien à exercer, pas ’ même un chien quelconque à lui ; tous meurent, jamais aucun n’a pu vivre avec lui ou près de lui ; un beau veneur, n’est-ce pas ? Ermill est donc parti pour la poste ; étant à la ville, il s’y attarda un peu, et il avait bien des fumées dans la tête quand il monta à cheval pour regagner le village. La nuit tomba, puis elle devint très-claire ; il y avait pleine lune ; voilà notre Ermill arrivé, sans savoir lui-même com-