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H4 IÉIOIBES · \

voi !... » Avdée n’avait pas fini de parler, que sur nos têtes quelque chose passa avec un drôle de bruit ; nous étions tout en bas et le bruit était en haut, sur nous, puis sur la roue ; ça marche, ça grogne, les planches plient et craquant ; q le domovoï repasse sur nos têtes, et alors l’eau gronde, gronde, elle bat, rebat plus fort ; la roue tourne... Pourtant la pelle du goulot de la digue avait été bien rabattue. C’est étonnant, que nous nous disions, elle ne s’est pas relevée toute seule. Mais la roue tourne bien des fois, et puis elle s’arrête, et l’eau ne vient plus ; et le domovoï est à la porte d’en haut ; tiens, il descend l’échelle... lentement, il est lourd, les échelons crient sous lui.... Allons, le voilà derrière notre porte... qu’est-ce qu’il attend là ? Nous regardons... la porte s’ouvre toute grande. Nous sommes transis de peur ; nous regardons toujours... rien ! Mais voilà près q d’une cuve une cuiller à filet qui se remue ; elle se dresse, se plonge dans la tonne, puis elle marche, marche toute seule dans l’air, comme si quelqu’un la rinçait, et la voilà remise à sa place ; et puis, près d’une autre cuve, le crochet s’est t ôté... ôté du clou, et, un moment après, il s’y est replacé. Ensuite, c’était comme si quelqu’un regagnait la porte, et ça s’est mis à tousser et à bêler comme une brebis, à crier comme le butor.... Nous nous étions tous mis en un tas, les uns sur les autres, comme des sacs de blé ; ol1 ! c’est que nous avions joliment peur, allez.,

- Qu’est-ce que le domovoï pouvait avoir à tousser comme ça ? dit Paul.

— Je ne sais pas ; peut-être l’humidité.... » p Après quelques moments de silence, Fédia dit : « Qà, les pommes de terre sont-elles cuites ? >· A Paul tàta une pomme de terre, et dit : « Non, pas encore. » Puis, se retournant vivement vers la rivière, il ajouta ; ! Comme il a sauté ! vous avez entendu ? Ce doit être un brochet. » Puis, regardant en haut : « Allons, une étoile lilante, à présent ! ’

— Camarades, dit Constantin de sa voix grêle, écoutez, écoutez que je vous raconte une chose que ma tante, ces jours derniers, a dite devant moi. ’

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