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96 ’ MEMOIRES

du retour d’Ermolaî. Vladimir par convenance s’éloigna et alla s’asseoir à vingt pas derrière moi. Soutchok resta debout, la tête penchée’en avant et les mains croisées derrière l’échine, ce qui était évidemment sa posture ordinaire. Je lui adressai la parole : ’ ·

Dis-moi, je te prie, y a-t-il longtemps que tu es pêcheur ? — Sept ans, bârine.

’ — Seulement ! et avant cela, que faisais-tu ? — J’étais cocher. " · ’ ·

— »Pourquoi ne t’a-t-on pas laissé cocher ? ’ - La nouvelle dame m’a renvoyé des écuries. · — Quelle dame y

— Celle qui nous a achetés, Aléona Timoféevna ; une grosse, grosse, qui n’est plus jeune.... vous ne la connaissez pas y ’ ’ ·

— Non. Quelle idée a-t-elle eu de faire de toi son pêcheur ? —Dieu sait. Elle est arrivée de sa terre de’Tambof ; elle a fait assembler tous les gens de service ; elle s’est montrée ; nous nous sommes tous précigités pour lui baiser la main ; elle ne s’est pas fâchée ; quand ça fut-fini, ellese mit à demander successivement à chacun de quoi il était occupé, ’ quel était son emploi. Quand mon tour fut venu, et qu’elle —eut su que j’étais cocher, elle dit : « Cocher, cocher, toi ! quel cocher peux-tu être, fait comme tu es ? voilà en vérité unbeau cocher ! Tu cesses d’appartenir aux écuries ; va te faire raser la barbe et accourcir les cheveux, tu es le pêcheur de ma maison ; toutes les fois que je serai ici, tu fourniras ma table de poisson, tu m’entends, et si mon étang n’est pas tenu en ordre, c’est à toi que je m’en prendrai.... » Voyez un peu, du poisson ! Dame, je ne peux pas en faire, moi, et je vous prie de me dire comment on peut s’y prendre pour tenir en ordre un étang comme le nôtre.

— A qui apparteniez-vous auparavant ? — A Serge Serghéitch Pebtiref, qui nous avait eus en héritage ; nous ne l’avons eu pour maître que six ans. C’est moi qui le menais quand il était ici ; à la ville il avait un autre cocher.

— Tu avais été cocher dès ta ieunesseî