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vous m’avez demandé tout à l’heure ? Je n’ai pas entendu.

— Je vous ai demandé… j’ai voulu savoir pourquoi vous êtes si gaie aujourd’hui ?

Mais soit que Maria Nicolaevna de nouveau n’eût pas entendu la question, soit qu’elle jugeât inutile de répondre, elle dit :

— Savez-vous… ce groom qui se balance derrière nous, m’agace… Comment nous débarrasser de lui ?

Elle sortit vivement un carnet de sa poche.

— Je vais lui remettre une lettre à porter à la ville… Non, cela ne va pas… Ah ! cette fois j’ai trouvé !… N’est-ce pas un traiteur, là-bas, devant vous ?

Sanine regarda dans la direction indiquée.

— Oui, c’est un restaurant, il me semble.

— Parfait !… Je vais lui dire de rester là et de boire de la bière jusqu’à notre retour.

— Mais qu’est-ce qu’il pensera ?

— Qu’est-ce que cela peut nous faire ? Puis, il ne pensera rien du tout, il boira de la bière, et voilà tout… Allons, Sanine — elle l’appelait pour la première fois Sanine tout court — en route, au trot !