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entier !… Non, pas tout entier… En voilà un que je n’embrasserais pas…

Du bout de sa cravache, elle indiqua un vieillard, pauvrement vêtu et qui suivait le bord de la route à côté d’eux.

— Mais je suis prête à le rendre heureux… Voici pour vous, eh ! cria-t-elle en allemand.

Elle jeta sa bourse aux pieds du vieillard. On ne connaissait pas encore les porte-monnaie, et le petit filet tomba lourdement sur le chemin avec un bruit sec.

Le passant étonné s’arrêta.

Maria Nicolaevna éclata de rire et mit son cheval au galop.

— Êtes-vous toujours aussi gaie quand vous allez à cheval ? demanda Sanine à madame Polosov quand il l’eut rejointe.

Maria Nicolaevna tira brusquement les rênes, elle n’arrêtait jamais autrement son cheval.

— Je voulais seulement échapper aux remerciements… Les remerciements gâtent mon plaisir… Ce n’est pas pour son plaisir que je lui ai laissé ma bourse, mais pour le mien… Pourquoi me remercierait-il ?… Qu’est-ce que