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— La mort violente peut survenir autrement ? remarqua Sanine.

— Bêtises que tout cela ! Niaiseries !… Vous êtes superstitieux ?… Je ne le suis pas du tout… Ce qui doit arriver, arrivera… Monsieur Gaston demeurait chez nous et occupait la chambre au-dessus de la mienne. Souvent, la nuit je me réveillais et je l’entendais marcher au-dessus de ma tête… il se couchait tard et mon cœur se pâmait alors de vénération ou d’un autre sentiment… Mon père savait à peine lire et écrire… mais il nous a donné une bonne instruction… Vous ne vous doutez pas que je sais un peu de latin ?

— Vous savez le latin ?

— Oui, moi… C’est monsieur Gaston qui me l’a enseigné,… j’ai lu avec lui l’Éneïde… c’est bien ennuyeux quoiqu’il y ait de beaux passages… Vous rappelez-vous quand Didon et Énée sont dans la forêt…

— Je me le rappelle, je me le rappelle, dit précipitamment Sanine.

Il avait depuis longtemps oublié son latin et n’avait conservé qu’une idée très vague de l’Éneïde.