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Les lèvres de Polosov se collèrent de nouveau, il ronflait et se balançait silencieusement.

« Mais comment cette bûche a-t-elle pu attraper une femme si belle et si riche ? pensa Sanine. Personnellement il n’avait pas de fortune, il n’est pas de haute noblesse, il n’est pas même intelligent. Au pensionnat il passait pour un garçon obtus, dormeur et glouton ; on l’avait surnommé le « baveux… » Mais, continua Sanine à part lui, puisque sa femme est riche, pourquoi ne m’achèterait-elle pas ma propriété ? Polosov a beau dire qu’il ne se mêle pas des affaires de sa femme, je n’en crois rien ! Puis je demanderai un prix avantageux pour lui ? Pourquoi ne pas faire une tentative ? C’est peut-être ma bonne étoile qui me l’a envoyé ?… Oui, c’est décidé… je lui en parlerai. »

Polosov conduisit Sanine dans un des plus grands hôtels de Francfort où il occupait, cela va sans dire, la plus belle chambre.

En entrant, Sanine trouva sur les chaises, sur les tables, des cartons, des boîtes, des paquets empilés…

— Voilà mes emplettes pour Marie Nico-