Page:Tourgueniev - Eaux printanières, trad. Delines, 1894.djvu/201

Cette page a été validée par deux contributeurs.

profit, et déploya même une rare éloquence ; il n’aurait probablement pas pu devant Gemma toute seule déclarer ses sentiments et ses intentions avec la même force de persuasion. Ses sentiments étaient les plus sincères, ses intentions les plus pures, comme celles d’Almaviva dans le « Barbier de Séville ».

Il ne chercha pas à dissimuler devant Frau Lénore, ni à ses propres yeux, les désavantages de sa situation, mais ces désavantages, assurait-il, n’étaient qu’apparents.

Sans doute, il est un étranger qu’on ne connaît que depuis quelques jours : on ne sait rien de positif ni sur sa position, ni sur les moyens dont il dispose, mais il offre de fournir des preuves qui ne permettront pas de douter qu’il est de bonne famille, et pas entièrement dépourvu de fortune. Il procurera le témoignage de plusieurs de ses compatriotes. Il espère, enfin, qu’il pourra rendre Gemma heureuse, et qu’il saura adoucir pour elle la séparation d’avec sa famille.

Ce mot de séparation faillit gâter l’affaire. Frau Lénore devint toute tremblante et ne put plus tenir en place dans son fauteuil.