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— À lui personnellement… à la maison… Il est venu hier.

— Gemma ! vous m’aimez donc ?

Elle se tourna vers lui :

— Sans cela, serais-je ici ? dit-elle.

Les deux mains de la jeune fille retombèrent sur le banc. Sanine s’empara de ces deux mains inertes qui reposaient les paumes en l’air et les pressa contre ses yeux et sur ses lèvres.

Le rideau qui la veille voilait l’avenir s’était levé haut… Là était le bonheur, c’était bien son visage rayonnant !

Sanine leva la tête et regarda Gemma en face sans aucune crainte. La jeune fille avait aussi, en baissant les paupières, posé les yeux sur lui. Le regard de ces yeux à demi-clos lançait une faible lumière, voilée par les larmes douces du bonheur. Le visage de Gemma ne souriait pas… non ! Il riait d’un rire muet, l’épanouissement du bonheur.

Sanine voulut attirer la jeune fille sur sa poitrine, mais elle se retourna et sans cesser de rayonner de ce rire muet, secoua négativement la tête.