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— C’est un homme d’un esprit remarquable, en apparence, quoique peu sérieux au fond.

— C’est facile à dire !

— Quoique peu sérieux au fond, répéta Lejnieff. — Mais ce n’est pas là qu’est le mal ; nous sommes tous plus ou moins futiles. Je ne lui reproche même pas d’être despote dans l’âme, paresseux, sans instruction solide…

Alexandra joignit ses mains.

— Roudine peu instruit ! s’écria-t-elle.

— Peu instruit, répéta Lejnieff du même ton. Il aime à vivre aux dépens des autres, à jouer un rôle, à jeter de la poudre aux yeux, en un mot… Tout cela est dans l’ordre des choses… Mais ce qui devient plus grave, c’est qu’il est froid comme glace.

— Lui, froid ! cette âme brûlante ! interrompit Alexandra.

— Oui, froid comme la glace ; il le sait, et il s’ingénie à jouer la passion. Le mal, continua Lejnieff en s’échauffant par degrés, c’est que ce rôle auquel il s’essaye est fort dangereux, non pour lui, qui n’y risque ni sa fortune, ni sa santé, mais pour d’autres plus sincères, qui peuvent y perdre leur âme.

— De qui, de quoi parlez-vous ? Je ne vous comprends pas, dit Alexandra.

— Ce que je lui reproche, c’est son manque d’honnêteté. Puisqu’il est homme d’esprit, il doit connaître le peu de valeur de ses paroles, et il les prononce pourtant comme si elles sortaient du fond de son