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ordinaire. Je comprends pourquoi tous les poëtes ont recherché son amitié. Et vous, aimez-vous les vers ? continua-t-il après un moment de silence.

— Il m’examine, pensa Natalie, et elle répondit : — Oui, je les aime beaucoup.

— La poésie, langue des dieux ! Moi aussi, j’aime les vers. Mais ce n’est pas là seulement qu’est la poésie ; elle plane sur toutes choses, elle est tout autour de nous. Jetez un regard sur ces arbres, vers ce ciel, partout règnent la beauté et la vie ; la poésie est avec eux. Asseyons-nous sur ce banc, continua-t-il. Bien, comme cela. Je ne sais pourquoi il me semble que, lorsque vous serez habituée à moi (et il la regarda dans les yeux en souriant), nous serons bons amis. Qu’en pensez-vous ?

— Il me traite en enfant, se dit de nouveau Natalie, et, ne sachant que répondre, elle demanda à Roudine s’il avait l’intention de rester longtemps à la campagne.

— Tout l’été, l’automne, et peut-être même l’hiver. Vous savez que je ne suis pas riche ; de plus, je commence à m’ennuyer de ce déplacement continuel. Il est temps que je me repose.

Natalie fit un geste d’étonnement.

— Trouvez-vous réellement qu’il soit temps de vous reposer ? demanda-t-elle timidement.

Roudine fixa son regard sur Natalie.

— Que voulez-vous dire par là ?

— Je veux dire, répondit-elle avec quelque embar-