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étonnée de n’avoir pas fait sa connaissance plus tôt. Roudine s’était assis un peu à l’écart, mais Daria Michaëlowna lui montra un petit siége à côté de son fauteuil, et le questionna sur sa famille et sur ses projets. Daria Michaëlowna parlait négligemment, et écoutait d’une manière distraite ; mais Roudine comprenait très-bien qu’elle cherchait à lui plaire, et le flattait presque. Ce n’était pas non plus sans raison qu’elle avait arrangé cette entrevue matinale et qu’elle s’était habillée avec cette simplicité de bon goût.

Cependant, elle cessa bientôt de questionner son hôte, et se mit à parler d’elle-même, de sa jeunesse, des personnes qu’elle avait connues.

Roudine écoutait avec intérêt. Dans les récits de Daria Michaëlowna, c’était toujours sa personnalité qui dominait et effaçait tout le reste, et Roudine connut bientôt tout ce qu’elle avait dit à tel personnage important ou obtenu de lui, et son influence auprès de tel écrivain renommé. À en juger par la conversation de Daria Michaëlowna, toutes les célébrités contemporaines n’avaient pensé qu’à se rapprocher d’elle et à mériter sa bienveillance.

Elle en parlait simplement, sans enthousiasme ; elle les vantait comme des choses à elle, en traitant quelques-uns d’entre eux d’originaux. Elle en parlait comme d’une riche monture qui rehausse la beauté d’une pierre précieuse. Leurs noms formaient comme une constellation brillante autour du nom principal : celui de Daria Michaëlowna.