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Volinzoff, Natalie et mademoiselle Boncourt s’étaient enfoncés dans les profondeurs du jardin. Volinzoff marchait à côté de la jeune fille, mais sans lui parler. Mademoiselle Boncourt restait un peu en arrière.

— Qu’avez-vous fait aujourd’hui ? demanda enfin Volinzoff à Natalie en frisant les pointes d’une moustache châtain foncé.

Les traits de Natalie rappelaient ceux de sa mère, mais leur expression était moins vive et moins animée. Ses beaux yeux caressants avaient un regard triste.

— J’ai assisté, répondit-elle, aux sorties de Pigassoff, j’ai fait de la tapisserie, j’ai lu.

— Et qu’avez-vous lu ?

— J’ai lu… l’histoire des Croisades, répondit Natalie après un moment d’hésitation.

Volinzoff la regarda. — Ah ! dit-il, cela doit être intéressant. Il arracha une branche et commença à la faire tournoyer dans les airs. Ils firent encore une vingtaine de pas.

— Quel est ce baron dont votre mère a fait la connaissance ? demanda de nouveau Volinzoff.

— C’est un gentilhomme de la chambre. Il vient d’arriver. Maman en fait grand cas.

— Votre mère se laisse facilement entraîner.

— Cela prouve qu’elle a encore le cœur jeune, répondit Natalie.

— C’est vrai. Je vous renverrai bientôt votre cheval. Je voudrais parvenir à lui faire prendre le galop d’emblée, et j’y réussirai.