Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/336

Cette page n’a pas encore été corrigée

– Il lui est arrivé un malheur.

– Est-il mort ? lui demandai-je d’un air consterné.

– Il s’est pendu, dit le jeune homme à demi-voix.

– Pendu !m’écriai-je avec terreur.

– C’est aujourd’hui le cinquième jour. On l’a enterré hier.

– Et pourquoi s’est-il pendu ?

– Dieu le sait. C’était un homme libre qui recevait des gages ; il ne connaissait pas la misère ; les maîtres le caressaient comme un de leurs proches. Ah ! quels bons maîtres que les nôtres ! que Dieu leur donne la santé ! Il est impossible de s’imaginer ce qui l’a poussé à mourir. Il paraît que le diable l’a tenté !

– Comment s’y est-il donc pris ?

– Comme cela : il a pris une corde et s’est pendu.

– Et avant cela, vous n’aviez rien remarqué d’extraordinaire en lui ?

– Comment vous le dire ? Rien de très extraordinaire. C’était toujours un homme ennuyé et soupçonneux ; il geignait sans cesse. « Je m’ennuie », disait-il. Il est vrai aussi que ses années pouvaient lui peser. Dans les derniers temps, il était plus mélancolique encore. Il venait parfois chez nous au village, car je suis son neveu. « Eh bien ! ami Vasi, disait-il, viens passer une nuit avec moi. – Pourquoi, petit oncle ? – Parce que j’ai peur, je m’ennuie tout seul ». Et j’allais