Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/334

Cette page n’a pas encore été corrigée

– Eh bien ! est-ce vu ? me demanda bientôt Loukianitch.

– Oui, merci, répondis-je précipitamment. Il ferma la porte. Je traversai l’antichambre et passai dans la cour. Loukianitch me dit sèchement :

– Je vous salue.

Et il me quitta.

– Mais quelle était la dame que vous aviez hier en visite ? lui criai-je en le voyant s’éloigner : je l’ai rencontrée dans le bois ce matin.

J’avais espéré l’embarrasser par cette question soudaine et en tirer une réponse irréfléchie ; mais le vieillard ne fit que ricaner et disparut.

Je rentrai à Glinnoë. J’étais mal à l’aise comme un enfant qui vient de subir une fâcheuse réprimande.

– Non, me dis-je à la fin, je ne dois décidément pas éclaircir ce mystère. N’en parlons plus, je ne veux plus songer à tout cela.

Une semaine se passa. Je tâchai de repousser loin de moi le souvenir de l’inconnue, de son compagnon et de mes rencontres avec eux ; mais ce souvenir me poursuivait constamment et me harcelait avec toute l’importune persévérance d’une mouche pendant la sieste. Loukianitch me revenait aussi continuellement à la mémoire avec ses regards mystérieux, ses discours pleins de réticence et son sourire tristement froid. La maison même, quand je me la rappelais, la maison semblait me contempler avec malice à travers ses volets à demi fermés, comme si elle se fût moquée de