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un mur de granit perpendiculaire ! – Passa que’i colli, répète mélancoliquement la voix. Désespéré, je me jette la poitrine contre la pierre noire, et, dans mon impuissance, je l’égratigne de mes ongles. Un sombre passage s’ouvre tout à coup ; j’allais m’élancer. – Drôle ! me crie quelqu’un, tu ne passeras pas. – Je regarde : Loukianitch était devant moi ; il me menaçait et agitait ses bras. Je fouille précipitamment dans mes poches… je voulais le gagner : mes poches sont vides. – Loukianitch, lui dis-je, laisse-moi passer, je te récompenserai plus tard. – Vous vous trompez, señor, me répond Loukianitch, et son visage prit une expression singulière ; je ne suis pas un domestique serf ; reconnaissez en moi don Quichotte de la Manche, chevalier errant bien connu. Toute ma vie j’ai cherché ma Dulcinée, mais je n’ai pu la trouver, je ne souffrirai pas que vous trouviez la vôtre. – Passa que’i colli, répète de nouveau une voix qui sanglotait. – Faites place, señor, criai-je avec fureur et tout prêt à me jeter sur lui… ; mais la longue lance du chevalier m’atteint droit au cœur… Je tombe blessé à mort… J’étais étendu sur le dos, je ne pouvais faire aucun mouvement, lorsqu’elle entre une lampe à la main. Elle la lève gracieusement au-dessus de sa tête, regarde autour d’elle dans l’obscurité, et, s’approchant avec précaution, se penche sur moi : – C’est donc lui, cet insensé ! dit-elle avec un rire méprisant. Voilà ce qui veut savoir qui je suis ! – Et l’huile brûlante de sa lampe tombe juste sur la