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J’écoutais avec une attention soutenue. Tantôt il me semblait entendre une légère respiration derrière la fenêtre à demi éclairée, tantôt un certain frôlement et un rire étouffé. Des pas retentirent enfin dans le lointain ; un homme à peu près de ma taille se montra au bout de la rue. Il marcha rapidement vers une petite porte située près de ce même pavillon, et que je n’avais pas remarquée, frappa deux coups sans se retourner et en chantant à demi-voix : Ecco ridente…

La petite porte s’ouvrit, il en franchit furtivement le seuil. Je haussai les épaules, et, mon chapeau enfoncé sur les yeux, je retournai chez moi fort mécontent.

Le lendemain, je passai pendant la grande chaleur deux heures à parcourir la rue du pavillon, mais sans aucun résultat. Le même soir je quittais Sorrente sans avoir seulement visité la maison du Tasse. On peut donc se figurer quelle fut ma surprise d’entendre cette même voix, ce même chant au milieu des steppes, dans une des parties les plus incultes de la Russie. – À présent comme alors il fait nuit, à présent comme alors la voix s’élève tout à coup d’une petite chambre éclairée et inconnue ; à présent comme alors, je suis seul. Mon cœur bat vivement. N’est-ce point un songe ? pensai-je… Et voici que résonne de nouveau le dernier Vieni… La fenêtre va-t-elle s’ouvrir ? Une femme apparaîtra-t-elle ?… La fenêtre s’ouvre. Une femme s’y montre.

Je la reconnus à l’instant malgré la distance de