Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/311

Cette page n’a pas encore été corrigée

une voix vivante ; mais tout se taisait. Les rossignols avaient cessé de chanter depuis longtemps. Le bourdonnement subit d’un insecte qui volait dans l’espace, le léger bruissement d’un petit poisson dans le vivier derrière les tilleuls, le sifflement engourdi d’un oiseau qui s’agitait dans le sommeil, un cri faible et confus dans les champs, si éloigné que les oreilles ne pouvaient distinguer si c’était l’appel d’une voix humaine ou la plainte d’un animal, parfois un pas précipité et saccadé qui résonnait sur le chemin, – tous ces sons grêles, tous ces murmures ne faisaient que redoubler le silence…

Mon cœur était saisi d’un sentiment indéfinissable qui ressemblait soit à l’attente, soit au souvenir du bonheur ; je n’osais remuer. Je regardais machinalement les deux fenêtres faiblement éclairées, lorsque tout à coup un accord retentit dans la maison et roula comme une vague, répété par un écho sonore. Je frissonnai involontairement.

À la suite de cet accord, une voix de femme se fit entendre… J’écoutai avidement. Quelle ne fut pas ma surprise ! J’avais entendu il y a deux ans en Italie, à Sorrente, ce même air, cette même voix… oui… oui…

Vieni, pensando a me segretamente…

C’était bien cela, je reconnus cette musique.

Voici comment je l’avais une première fois entendue. Je revenais chez moi après une longue promenade au bord de la mer. Je suivais rapidement la rue.