Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/298

Cette page n’a pas encore été corrigée

mirent à marcher doucement dans le sentier. Je les suivais des yeux avec ébahissement. Ils s’étaient arrêtés, avaient regardé autour d’eux, s’étaient perdus un instant entre les buissons et avaient reparu de nouveau pour entrer enfin dans la tonnelle. Cette tonnelle était un petit édifice rond muni d’une porte et d’une fenêtre ; une vieille table recouverte d’une mousse fine occupait le centre de ce réduit, deux bancs étaient placés de chaque côté à quelque distance des murs humides et sombres. Autrefois on y prenait le thé par les journées les plus chaudes. La porte était disjointe, les châssis ne tenaient plus depuis longtemps ; accrochés par un seul angle, ils pendaient tristement comme l’aile blessée d’un oiseau. Je m’approchai furtivement de la tonnelle et les épiai avec précaution à travers les fentes de la fenêtre. Lise était assise sur un des bancs et baissait la tête ; sa main droite pendait sur ses genoux, Besmionkof tenait la gauche dans les deux siennes.

– Comment vous sentez-vous aujourd’hui ? lui demanda-t-il à demi-voix.

– Toujours de même, répondit-elle, ni mieux, ni plus mal… Un vide, un vide affreux ! continua-t-elle en relevant tristement les yeux.

Besmionkof ne lui répondit pas.

– Pensez-vous, reprit-elle, qu’il m’écrive encore ?

– Je ne le pense pas, Lise Cyrillovna ! Elle resta silencieuse.

– Eh ! qu’écrirait-il en effet ? Il m’a tout dit dans