Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/297

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans le goût chinois s’élevait au milieu du bois. Le jardin était séparé d’une impasse par une palissade en pieux. Lise se promenait souvent dans ce jardin pendant des heures entières. Cyril Matvéitch le savait, et avait défendu de la déranger ou de la suivre, disant que son chagrin passerait avec le temps. Si on ne la trouvait pas dans la maison, on n’avait qu’à sonner la cloche du perron à l’heure du dîner pour la faire arriver aussitôt ; elle revenait, le même silence obstiné aux lèvres et aux yeux, et quelques feuilles froissées à la main. Un jour que j’avais remarqué qu’elle n’était pas dans la maison, je fis semblant de partir. Je traversai l’antichambre et la cour comme pour aller dans la rue, puis je revins rapidement sur mes pas et me glissai dans le jardin. J’eus le bonheur de n’être aperçu de personne. Sans perdre un instant, je m’enfonçai dans le bois à pas précipités. J’aperçus Lise devant moi, au milieu du sentier. Je sentais mon cœur qui battait à se rompre. Je m’arrêtai en soupirant profondément et j’allais enfin m’approcher d’elle, lorsque je la vis tout à coup lever la main sans se retourner et prêter l’oreille à je ne sais quel bruit… Dans la direction de l’impasse retentissent derrière les arbres deux coups distincts, comme si quelqu’un heurtait la palissade. Lise frappe dans la paume de sa main, j’entends le faible grincement de la petite porte et vois Besmionkof qui sort du fourré. Je me cachai à la hâte derrière un arbre. Lise se dirigea vers lui sans parler… Il lui prit silencieusement le bras, et tous les deux se