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s’était hâté de prendre du tabac, probablement pour me donner le change quant à la raison qui le faisait pleurer… Il employait le tabac vert russe, et on sait que cette plante fait larmoyer même les vieillards, et donne pour quelques instants à l’œil humain une expression trouble et stupide. Je mis naturellement beaucoup de prudence dans mon attitude vis-à-vis du vieil Ojoguine ; je lui demandai des nouvelles de la santé de sa femme et de sa fille, et détournai aussitôt habilement la conversation sur une certaine question d’agronomie domestique. J’étais habillé comme de coutume, mais les sentiments de douce convenance et d’indulgente modestie dont je me sentais animé me donnaient une sensation de fraîcheur et de fête, comme si j’avais été en gilet blanc et en cravate blanche. Une seule chose m’agitait : la pensée de me retrouver avec Lise… Ojoguine me proposa enfin de me conduire lui-même auprès de sa femme. Cette créature sotte, mais bonne, fut d’abord terriblement confuse en me voyant, mais sa cervelle n’était pas capable de conserver longtemps une seule et même impression ; aussi se calma-t-elle bientôt. Je vis enfin Lise… Elle entra dans la chambre. Je m’attendais à trouver en elle une pécheresse confuse et repentante, et j’avais donné d’avance à ma physionomie son expression la plus aimable et la plus encourageante… Pourquoi mentir ? je l’aimais sincèrement et soupirais avec ardeur après le bonheur de lui pardonner et de lui tendre la main… Mais jugez de mon inexprimable