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Le prince fit quelques pas, s’arrêta, rejeta sa tête en arrière et dit par-dessus son épaule :

– Vous ne voulez donc pas rétracter vos paroles ? J’allais lui répondre, mais la voix me manqua, et je me contentai de faire un geste méprisant de la main. Le prince alla prendre sa place. Nous nous approchâmes l’un de l’autre. J’avais levé mon pistolet et visé la poitrine de mon ennemi… il était certainement mon ennemi alors ; mais le canon se releva subitement, comme si quelqu’un m’avait poussé sous le coude, et je lâchai la détente. Le prince chancela et porta la main à sa tempe gauche : un filet de sang jaillit de dessous ses gants de peau de chamois blancs, et ruissela sur sa joue. Besmionkof se précipita vers lui.

– Ce n’est rien, dit-il en ôtant sa casquette, qu’une balle avait traversée ; je suis frappé à la tête et je reste debout : ce ne sera qu’une égratignure.

Il tira de sa poche un mouchoir de batiste et l’appliqua sur ses cheveux humectés de sang. Je ne bougeais pas… j’avais été comme pétrifié sur place.

– Veuillez aller à la barrière, me dit sévèrement Koloberdaef. J’obéis.

– Le duel va-t-il continuer ? demanda-t-il en se tournant vers Besmionkof.

Besmionkof ne lui répondit pas ; mais le prince, sans enlever le mouchoir de sa blessure et sans se donner même la satisfaction de me faire attendre à la